Le Pérou vu de Trujillo
Port du Nord du Pérou, 3ème ville du pays, Trujillo (800 000 hab) est situé sur la route Panaméricaine.
Vers l’Ouest : l’immensité du Pacifique.
le Nord : la frontière avec l’Équateur à 500 Km
le Sud : Lima à 500 Km et le Chili à 1500 Km.
l’Est : la Cordillère des Andes et au-delà les plaines de l’Amazonie péruvienne (où se forme l’Amazone) jusqu’à la frontière avec le Brésil.
De l’Histoire du Pérou, Trujillo offre des témoignages de premier plan :
– des temps précolombiens à 5 km, site archéologique de Chan-Chan (Patrimoine Mondial UNESCO, photos+++ sur internet), capitale du Royaume Chimù (1300-1440), conquis par les Incas venus du Sud des Andes Péruviennes, moins d’un siècle avant l’arrivée des conquistadors.
– de la colonisation hispanique de la fondation de Trujillo par Pizarro en 1535 à la lutte pour l’indépendance partie de la ville (1821-1825), d’où le nom de Libertad donné à la province de Trujillo. Société et économie coloniales ont marqué le Pérou bien au-delà de l’indépendance.
Grand pays de 1 285 000 Km² (2 fois la France) et 32 millions d’hab. (moitié de la France), le Pérou juxtapose traits d’émergence économique et perpétuation de traits de sous-développement.
Il vient de connaître dix ans de croissance économique faisant le choix de s’ouvrir à la mondialisation : boom des investissements étrangers (secteurs immobilier, minier), excédents commerciaux (exportations agricoles, énergétiques, minières), élévation niveau de vie d’une partie de la population mais une dégradation récente : la croissance a fléchi, un déficit commercial est réapparu du fait d’une chute des cours (ralentissement de la demande chinoise, crise brésilienne…)
Surtout cette croissance a peu influé sur les problèmes de fond du Pérou :
– l’insuffisante diversification de son économie et sa dépendance aux cours mondiaux
– l’importance des écarts sociaux et ethniques (25 % des Péruviens sous le seuil de pauvreté, un Indicateur de développement humain (IDH) médiocre à 0,73 (84ème rang mondial)
– l’ampleur des inégalités régionales la croissance s’est largement concentrée sur la région de Lima qui cumule déjà la 1/2 de la richesse nationale alors que beaucoup de régions sont sous-équipées en infrastructures
– un sous-emploi chronique (manque de qualification professionnelle ; 70 % d’emplois informels) alors que la population continue d’augmenter d’un million tous les deux ans
– une perméabilité entre milieux mafieux et certains milieux politiques et économiques corruption, trafic stupéfiants, méthodes expéditives (ex. : conflits socio-environnementaux).
Un contexte politique fragile (même si les guérillas comme le maoïste Sentier lumineux ont disparu) : – élection en 2016 au 2ème tour d’un président de centre droit (Pablo Kuczynski) à 50,1 % contre une candidate de droite populiste (Keiko Fujimori, fille d’un président destitué en 2000 pour corruption et dérives autoritaires) : précaire victoire d’un front anti-populiste de circonstance. – division politico-géographique du pays le centre-droit (libéralisme politique et économique) ne domine que dans la région de Lima la droite populiste (majoritaire au parlement) dominante dans les régions pauvres du Nord la gauche éclatée, avec en force montante (3ème à la présidentielle) une gauche radicale et écologiste, dominante dans le Sud andin pauvre et à forte population indienne.
(Sources : Bilan du Monde 2017, Images Économiques du Monde 2017/A. Colin, Dictionnaire historique et géopolitique/La Découverte, Wikipédia)
Visite à Trujillo d’Yves Fleuriot et de Léa Fleuriot (Janvier 2017) par Léa Fleuriot
Mon grand père et moi sommes allés en janvier dernier deux semaines au Pérou et avons eu la chance de séjourner une semaine à Trujillo. Le but de ce voyage était de rencontrer Yocelin, la filleule de mon grand père, qui a fréquenté le centre petite et est maintenant en deuxième année de fac…
Nous avons séjourné chez Consuelo et sa sœur Rosario qui nous ont accueillis plus que chaleureusement. Notre séjour tombait pendant les vacances scolaires mais Consuelo a insisté pour faire venir les enfants une journée au centre pour que nous puissions nous rendre compte de l’activité de celui-ci. J’avais donc décidé de m’occuper du repas du midi, faire le marché et cuisiner pour les enfants. Je me rappelle avoir été surprise car j’ai eu des instructions très strictes de la part de Consuelo quant au menu : pas de sucreries, salade ou soupe, etc… Consuelo, et c’est tout à son honneur, semble très concernée par la nutrition et l’hygiène dentaire des enfants.
Nous arrivons en milieu de matinée, les enfants nous attendent et je suis très impressionnée par toutes ces jolies bouilles qui nous observent. La pièce est décorée entre autre d’une pancarte nous souhaitant la bienvenue. Pendant que mon grand père va visiter l’habitation (une pièce en parpaing) de Yocelin, je commence à cuisiner. Je suis aidée par les cuisinières des 2 centres et nous passons un beau et cocasse moment de partage car je ne parle pas un mot d’espagnol.
Consuelo, Rosario, la maîtresse et les enfants nous ont préparé une belle fête : poèmes, danse traditionnelle, chant… Je sens une grande implication et surtout une sincère volonté de nous remercier et de nous montrer leur reconnaissance. Je découvre que Consuelo leur parle beaucoup de l’association et leur rappelle souvent que ceci n’est pas un dû. Je suis touchée par la grande humanité présente chez tout le monde, ce que j’avais déjà décelé chez les habitants du Pérou. Je regrette de ne pas parler espagnol et de ne pouvoir plus lier conversation avec les enfants. Certaines mères sont venues et tout le monde veut prendre des photos avec nous. Papi devient l’attraction quand il annonce son âge (90 ans). Après le repas, nous distribuons les 90 cadeaux que nous avions achetés à chacun puis les enfants partent petit à petit.
Consuelo et Rosario n’avaient pas envie que nous déjeunions au centre car elles pensaient que c’était trop sale pour nous mais j’ai insisté. Je pense que c’est le moment le plus émouvant que j’ai vécu là- bas. Nous nous sommes attablés avec les cuisinières et la maîtresse pour partager le repas et avons parlé des enfants, du centre, des difficultés et de l’intervention de la maîtresse 2 fois par semaine. Elle-même venait au centre quand elle était petite, ce qui fait d’elle un exemple symbolique de l’utilité de ce centre. Une des cuisinières nous remercie et explique que son fils venait au centre petit et que grâce à nous il a pu faire des études technologiques qu’elle n’aurait jamais pu financer toute seule. Elle nous remercie chaleureusement et pleure, nous nous prenons dans les bras. J’ai été plus que bouleversée et pensais à vous tous, personnes de l’association qui ont permis de changer le destin de tous ces enfants. Ce moment est bien sûr le meilleur argument du bienfait de l’association.
En ce qui concerne les besoins, la pérennisation de la somme envoyée régulièrement est le plus important. Elles pourraient mettre en place plus d’activités si on envoyait plus mais j’ai cru comprendre que c’était difficile de faire perdurer les choses dans le temps avec des enfants dont la vie est chaotique et que le but premier était l’accompagnement et la nourriture. Il faudrait demander à Consuelo pour plus de précisions. Je sais que pour l’anniversaire prochain du centre, elles avaient envie d’organiser une fête en invitant les anciens élèves qui ont ‘ »professionnellement » réussi pour montrer aux enfants que tout est possible. À voir pour débloquer un budget pour cela.
J’ai pu noter que Consuelo et Rosario ont presque dédié leur vie aux centres et le font très sérieusement. Mon grand père a eu le droit à un compte-rendu de toutes les dépenses etc… Par ses relations avec Yocelin qui est maintenant majeure mais qu’elle accompagne toujours, j’ai pu voir que Consuelo était très présente pour les élèves et anciens élèves.
Lettres de Consuelo : l’impact des inondations à Trujillo
Lettre d’Avril 2017
Chers amis,
Pardonnez-moi de ne pas vous avoir écrit plus tôt pour vous féliciter pour la nomination du nouveau conseil de Para Ellos. Rosario m’a dit que vous aviez téléphoné mais impossible d’envoyer des messages : problèmes dans le service Internet (presque pas de signal) ; dans les banques, pas de système informatique non plus et la communication au moyen des téléphones mobiles est également difficile ; tout cela est la conséquence des problèmes naturels (atmosphériques) dont a souffert le nord du Pérou.
Yvonne a envoyé un message aux responsables des centres nutritionnels, nous annonçant qu’elle quittait le conseil d’administration de « Para Ellos » ; nous comprenons que sa famille a besoin d’elle.
Nous sommes heureux que l’association perdure. Nous avons eu la chance de vous recevoir ici à Trujillo et de mieux vous connaître et nous demandons à Dieu de vous donner la force et la sagesse pour poursuivre cette belle œuvre ; vous savez déjà que rien ne pourrait se faire dans les centres sans votre aide ; merci pour votre travail, votre sacrifice, votre affection et votre amitié.
Ces jours-ci les centres sont fermés parce que nous avons subi plusieurs inondations (8 épisodes jusqu’à présent) qui ont transformé Trujillo en une ville dans laquelle il est difficile de circuler à cause d’une quantité de boue et de matériaux dans les rues ; le problème le plus aigu, c’est le service d’eau potable ; dans Trujillo même il y a de l’eau pendant une heure et seulement une fois tous les deux jours mais dans les bidonvilles comme Alto Trujillo et Alto Moche il n’y a pas d’eau et l’on en apporte avec des citernes mais en quantité très limitée ; les locaux des centres nutritionnels n’ont pas subi de gros dégâts. Nous espérons la semaine prochaine pouvoir ré-ouvrir les centres ; je vous tiendrai au courant. Très affectueusement.
Lettre de Mai
Chers amis,
Le 17 mars après midi commencèrent les inondations et nous avons dû suspendre l’ouverture des centres pendant quelques jours. Il n’y a pas eu de dommage dans les centres mais il était impossible de sortir dans les rues et de faire les courses car toute la ville était inondée ; il était donc impossible de marcher et nous pouvions peu nous déplacer.
Le deuxième problème fut le manque d’eau car l’un des canaux qui approvisionnait Trujillo fut détruit donc l’eau fut rationnée ; nous n’avions de l’eau qu’une heure par jour. Pour les villages récents (bidonvilles), ils apportaient l’eau en citerne mais ils donnaient deux seaux par famille et de préférence dans les zones inondées ; mais ils oubliaient très souvent les zones qui n’avaient pas subi de dommage majeur comme celles dans lesquelles se situent nos centres Alto Trujillo et Alto Moche. Des vendeurs d’eau se présentaient mais faisaient payer très cher (disant que l’eau était difficile à trouver)
Compte tenu des dommages qui ont eu lieu, beaucoup d’aides nous sont parvenues, entre autres 30 médecins français sont venus parmi lesquels le beau-frère d’Yvonne qui a souhaité visiter nos centres ; il est venu visiter celui de Alto Trujillo et grâce à lui les membres du groupes ont fait un don de 130 € et 460 soles pour acheter de l’eau. Heureusement nous n’avons eu besoin qu’une seule fois d’acheter une demiciterne pour chaque centre. La citerne coûtait 120 $ (60 pour Alto Trujillo et 60 pour Alto Moche). Le service de distribution de l’eau a repris, mais ils disent qu’il va falloir commencer les travaux de reconstruction et qu’il faudra peut-être rationner ou couper l’eau de nouveau. Pour l’instant les travaux se concentrent sur le nettoyage de la ville, vu la quantité de boue et de matériaux laissés par les 7 inondations.
1ère lettre de Juin
Chers amis,
Nous espérons que les choses vont rentrer dans l’ordre et s’améliorer. Le gouvernement a créé des programmes d’aide pour les sinistrés et pour ceux qui ont eu de moindres dommages. Dans nos centres heureusement les familles des enfants n’ont pas subi de dommages majeurs. Pour l’instant je n’ai rien à ajouter. Je vous dis au revoir avec beaucoup d’affection et vous embrasse.
2ème lettre de Juin
Très chers amis,
Beaucoup d’écoles endommagées ont dû être réhabilitées et désinfectées (présence du moustique « Zica » et autres types d’épidémie). Ceci a fait perdre beaucoup de temps de classe aux élèves. Le Ministère de l’Éducation a programmé des cours non seulement le matin (comme d’habitude) mais également l’après-midi pour récupérer le temps perdu : il était impossible pour les enfants d’assister aux cours dans nos centres. Pour cette raison nous n’avons pas employé de professeur.
La vie reprend son cours petit à petit. Les travaux de réparation de la ville sont très lents : encore beaucoup de poussières dans les rues et d’énormes trous sur les routes… Dans le centre tout se passe normalement, les enfants sont très ponctuels. Mais récemment, la fille de Gloria (une des cuisinières du centre de Alto Moche) a eu des convulsions et a dû être hospitalisée une semaine. Il semble qu’elle aura des séquelles. Les docteurs disent à Gloria que cela ira bien mais qu’ils feront un bilan quand elle aura un an et demi pour voir si elle marchera. Elle réagit également très faiblement à la lumière, pourvu qu’elle n’ait pas perdu la vue. Nous attendons de voir comme elle évolue. Je vous embrasse.